Marseille : le BTP fait bloc contre le PPP pour rénover les écoles
L’ensemble des professionnels du bâtiment refuse le partenariat public/privé (PPP) pour la rénovation des écoles
Ils sont six signataires et leur courrier déboule comme un bulldozer dans la boîte aux lettres de l’hôtel de Ville de Marseille… Ce tir groupé émane de l’ensemble des professionnels de la construction : Ordre national des architectes, Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), fédération Cinov (patrons des entreprises d’ingénierie), Syndicat national du second œuvre (Snso), syndicat des architectes des BdR, ont écrit mercredi à Jean-Claude Gaudin pour demander officiellement au maire de « renoncer » à son projet de partenariat public/privé (PPP) pour la rénovation des écoles. À défaut de quoi ce PPP pourrait se transformer en Pataquès Pas Possible, voire en Procès Prévisible Prochainement…
Explications. Ce dossier que la majorité municipale considère comme « le plus important du dernier mandat Gaudin » est celui des écoles Geep (de type Pailleron) : 34 écoles à détruire et à reconstruire. Inaugurées dans les années 60, jamais réhabilitées, peu entretenues, elles ne sont plus conformes aux normes de sécurité depuis des lustres. Le chantier est énorme donc. Mais il y a urgence..
Reste à savoir comment procéder. Maîtrise d’œuvre publique (MOP) ou PPP ? Le 16 octobre dernier, c’est cette 2e solution, déjà retenue pour le stade Vélodrome, qui était proposée et adoptée en conseil municipal. « Un plan Marshall pour les écoles » a annoncé Jean-Claude Gaudin. Le chantier, chiffré à 1,41 milliard d’euros, doit faire l’objet d’un appel d’offres. L’opérateur retenu assurera la construction mais aussi l’entretien de ces établissements pendant 25 ans, durée pendant laquelle la Ville, devenant locataire, versera à son partenaire privé un loyer de 41 à 45 M par an.
Un chantier de 1 milliard d’euros qui échapperait aux PME locales
C’est donc ce montage, déjà dénoncé par l’opposition socialiste, qui est refusé tout net par les métiers de la construction. « Le contribuable va se trouver exposé au surcoût d’une telle initiative », estiment d’abord les signataires, qui rappellent « les déboires antérieurs sur des montages de même nature ». Parmi ces opérations financières, on pense bien sûr au PPP du stade Vélodrome et à la polémique sur son coût (lire ci-dessous).
Mais l’argument béton des signataires, c’est le préjudice porté au tissu économique local : « L’attributaire (du PPP) doit assurer les fonctions de financement, de conception, de construction et d’entretien maintenance des ouvrages. La mise en concurrence se trouve donc réduite à un très petit nombre de majors du BTP pouvant seuls prétendre à de tels marchés ».
Bouygues, Vinci ou Eiffage viendraient ainsi monopoliser la commande publique, pour un montant et une durée considérables, au détriment des PME du BTP qui, dans le meilleur des cas, officieraient au titre de sous-traitants, avec des marges réduites au maximum. « C’est un projet complètement fou, qui va faire mourir des dizaines d’entreprises locales et détruire des centaines d’emplois ! » s’insurge Renaud Marquié, délégué général du syndicat de second œuvre (SNSO). Des professionnels d’autant plus révoltés par le PPP marseillais que « la somme est exceptionnelle », et que « construire et entretenir une école ne requiert aucune technicité particulière, c’est le marché de base des artisans du BTP ! » Contrairement aux géants du BTP « qui ont massivement recours à la main-d’œuvre détachée, les 15 000 PME du BTP assurent l’emploi, la formation la réinsertion de milliers de personnes dans le département », souligne la Capeb.
« Si J.-C. Gaudin ne revoit pas sa copie, nous irons en justice »
Procédure sévèrement encadrée depuis la réforme d’avril 2016 de la commande publique, le recours au PPP est censé être exceptionnel, et répond à des exigences particulières. Une grande complexité technique par exemple, ce qui n’est pas le cas pour des chantiers scolaires. Autres impératifs légaux : « Il faut que la collectivité justifie d’un bilan coût/avantages plus favorable qu’une maîtrise d’ouvrage publique et justifie la soutenabilité budgétaire du PPP », indique l’Ordre national des architectes, qui conteste la régularité des études fournies par la Ville à ce sujet, et indique avoir d’ores et déjà saisi le Préfet des BdR. C’est également sur cette base juridique que les organismes signataires envisagent de déposer un recours pour excès de pouvoir contre la délibération sur le PPP des écoles. Une procédure en justice déjà intentée, avec succès, contre d’autres collectivités.
À noter que localement, un autre recours a déjà été déposé devant le tribunal administratif. Porté par Me Christian Bruschi et deux autres contribuables marseillais, il porte sur la soutenabilité financière du PPP et conteste le mode de prise de décision adopté dans ce dossier.
Sollicitée hier, la Ville de Marseille n’a pas donné suite.
Sophie Manelli