De Narjasse Kerboua Publié le
L’ordre des architectes Paca et les acteurs du bâtiment sont très critiques à l’égard du projet de loi Elan (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique). Il signe selon eux, la fin de la loi Maîtrise d’ouvrage publique (Mop) et du concours d’architecte.
A l’appel des architectes, la journée du 17 mai a mobilisé des centaines d’acteurs autour de la qualité de l’habitat. Des tables-rondes organisées un peu partout en France pour tenter de faire évoluer le texte du projet de loi Elan (Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique), aujourd’hui très critiqué par les professionnels du secteur. À Marseille, l’Ordre des Architectes Paca, le Syndicat des Architectes des Bouches-du-Rhône, la Fédération des syndicats des métiers de la prestation intellectuelle du conseil, de l’ingénierie et du numérique (Cinov) Paca Corse ainsi que la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises (Capeb) se sont retrouvés pour alerter sur ce projet de loi.
« Une libéralisation totale de l’acte de construire »
Selon Françoise Berthelot, présidente de l’Ordre des Architectes, la loi Elan « est un cheval de Troie. Sous ses aspects vertueux, elle cache une libéralisation totale de l’acte de construire ». Pour exemple, les acteurs réunis ont cité, à plusieurs reprises, la procédure de PPP (partenariat public-privé) lancée par la Ville de Marseille pour la réalisation d’une trentaine d’écoles. Des marchés pour lesquels ils ont décidé de lancer une action en justice. « Un jour la commande publique pourrait ne plus exister », insiste Françoise Berthelot.
Pour les architectes et les acteurs de la construction, la loi Elan signe l’arrêt de mort de la loi Mop (Maîtrise d’oeuvre privée). Elle permet, selon eux, aux bailleurs sociaux de s’exonérer des procédures de la commande publique et du concours d’architecte. Plus encore, c’est l’acte de l’architecte qui est menacé : « Avec l’abandon de la loi Mop, nous vivrons l’abandon du dernier bastion de la liberté de l’architecte d’exprimer sa créativité, souligne la présidente de l’Ordre. Les bailleurs sociaux seront les nouveaux promoteurs et toute l’inventivité, la créativité de l’architecte, construite en relation avec les habitants disparaîtra ». C’est aussi pour elle « un retour en arrière, au temps de l’après-guerre, quand il a fallu construire vite et bon marché avec les conséquences que l’on connaît, notamment celles qui concernent les ghettos urbains. »
La Capeb se positionne en complémentarité. « L’intérêt de cette loi est de réduire les fractures sociales mais pas au détriment des entreprises locales, souligne Patricia Blanchet-Bhang. Les TPE-PME représentent 60% des entreprises du bâtiment et forment 90% des apprentis. Nous sommes un acteur incontournable. La loi Mop est aussi une garantie de la qualité des travaux. Elle détermine la responsabilité de chacun et impose des études aidant à bien chiffrer les marchés », poursuit-elle avec verve. Pour elle, la loi Elan va permettre aux « majors » de remporter la mise et de « laisser les miettes » aux TPE-PME. « On ne veut pas devenir des sous-traitants de majors voire des larbins », poursuit-elle.
L’architecte reste « un concepteur de la ville »
Pour se faire entendre, les intervenants ont envoyé au gouvernement des propositions d’amendements de la loi (qui sera examinée les 29 et 30 mai à l’Assemblée nationale) et tentent de rester positifs. « Le gouvernement ne peut pas se couper de la base, ça va déséquilibrer les territoires, on ne peut pas tuer l’économie locale », espère Patricia Blanchet-Bhang. Alors qu’en 2016, 30% des cabinets d’architecture ont répondu à la commande publique, l’Ordre des Architectes estime également qu’il faut privilégier une autre approche du métier. « Il faut penser autrement et s’intéresser davantage à la commande privée et cela passe par un travail de pédagogie auprès du grand public pour qu’il prenne conscience de l’importance de notre travail. Il faut sortir de l’image que la société se fait de l’architecte, estime Françoise Berthelot. Il faut aussi penser à la manière dont on forme nos futurs architectes, il peut aujourd’hui être architecte constructeur, business man… ». Mais pour elle, il reste clair qu’on ne peut pas se passer de celui « qui reste un concepteur de la ville ».