Marseille: Les PPP, le Plan Parfait pour Payer de la municipalité ?

Article de Mathilde Ceilles, publié sur 20 Minutes le 18/10/2017, cliquez ici pour voir l’article sur le site

FINANCES Après le stade Vélodrome, la ville de Marseille a décidé de nouer un partenariat public-privé pour reconstruire une trentaine d’écoles vétustes…

Trois petites initiales obscures qui font couler beaucoup d’encre. Ce lundi, le conseil municipal de Marseille a voté lundi un plan massif de reconstruction d’écoles d’un montant d’un milliard d’euros, via des partenariats public-privé (PPP).

Ce mode de financement contesté permet à la municipalité de confier la totalité d’un projet, du financement à la construction, à des entreprises privées.

Une ville sous contrainte budgétaire

« Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse ? Marseille est une ville pauvre, l’Etat se désengage de plus en plus et la ville a des besoins. » Pour Roland Blum, troisième adjoint en charge des finances, les PPP représentent une solution intéressante pour permettre à la municipalité d’accompagner le développement de la deuxième ville de France dans un contexte de baisse des dotations de l’Etat.

La ville accuse par ailleurs un déficit annuel d’environ 1,9 milliard d’euros. « Mon budget, c’est entre 180 et 200 millions d’euros d’investissement par an. La construction de, disons, quatorze écoles d’un coup, coûterait 200 millions d’euros par l’emprunt, soit un an de budget ! »

Or, le plan prévoit la destruction de 31 établissements obsolètes des années 1960, et leur remplacement par 28 nouvelles écoles, ainsi que la construction de 6 établissements supplémentaires, en six ans.

La mairie, qui accueille 77.000 enfants dans plus de 440 écoles, avait été sommée en 2016 par l’Etat d’entreprendre des travaux en urgence, face aux témoignages qui se multipliaient de la part de parents d’élèves et enseignants, décrivant des murs moisis, des classes non chauffées, ou des locaux infestés par les rats. Un plan d’urgence, de 41 millions d’euros, avait alors été mis en œuvre.

Le Plan Parfait pour Payer…

Les PPP représentent un avantage selon le Roland Blum : « il permet sur le plan financier d’étaler notre dette ». En effet, dans tout PPP, la ville verse des loyers à l’entreprise qui a construit les bâtiments pendant une durée déterminée. Pour reconstruire ses écoles, Marseille devra ainsi débourser environ 41 millions d’euros par an pendant 25 ans – soit un coût total de 1,04 milliard d’euros.

Devant le conseil municipal, le maire de Jean-Claude Gaudin a également fait valoir que cette solution serait la moins coûteuse, se basant notamment sur un rapport commandé par sa majorité. Dans une réponse adressée à la Cour des comptes suite à un rapport sur le sujet, l’édile affirme que « l’objectif principal du recours au contrat de partenariat » serait « le rapport « coût global/avantage » ».

… ou le Plan Parfait Pour Problèmes ?

Le hic, c’est que, en matière de PPP, la ville de Marseille a un récent passif qui inquiète les opposants politiques de Jean-Claude Gaudin. En effet, la municipalité a déjà utilisé ce système pour rénover le stade Vélodrome à l’occasion de l’Euro 2016. Or, la chambre régionale de la cour des comptes avait épinglé les surcoûts liés à la construction du nouveau Vélodrome. « Il y a vingt ans, le PPP, tout le monde disait que c’était une bonne idée, un truc formidable, se souvient Benoît Payan, président du groupe socialiste marseillais. Mais les PPP fragilisent de manière chronique les finances publiques. » Et de s’inquiéter : « Avec ce nouveau PPP, la dette de la mairie va augmenter de 25 % en 2025 ! Si ce n’est pas par l’impôt, qui paie ? Il va donc y avoir une hausse d’impôt de 25 % ! » « Dans l’avenir, dans toutes les collectivités, il y aura des hausses d’impôts, car vous avez des baisses de dotation de l’Etat, mais ce ne sera pas dû aux PPP particulièrement », rétorque Roland Blum.

Dans un rapport sénatorial daté de 2014, Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli relevaient de leur côté les risques que présente ce type de contrat, le qualifiant même de « bombe à retardement pour les générations futures », mettant notamment en avant la difficulté de prévoir leur véritable coût, fondé uniquement sur des estimations. Quid des finances marseillaises ? Devant le conseil municipal, Jean-Claude Gaudin a affirmé avoir reçu un avis positif de la direction régionale des finances publiques. Réponse dans quelques années…

Mathilde Ceilles