La contestation gagnerait-elle en ampleur ? D’abord dénoncé par l’opposition municipale à Jean-Claude Gaudin, le PS en tête, le projet de PPP (partenariat public privé) pour rénover les écoles marseillaises fait désormais des remous au-delà de la salle du conseil municipal. Pour rappel, en octobre dernier, la mairie dirigée par Jean-Claude Gaudin (Les Républicains) a lancé un vaste plan de reconstruction d’écoles. Elle a choisi de faire appel à une entreprise qui finance, construit et entretient les bâtiments. Le tout contre un loyer municipal.
La grogne gagne aujourd’hui la communauté éducative, pour qui ce PPP serait la goutte d’eau qui fait déborder un vase plein de polémiques passées sur les écoles marseillaises. Ce jeudi, une réunion d’information est organisée par un collectif baptisé « Marseille contre les PPP ». Ce collectif a également lancé une pétition en ligne. Parmi les premiers signataires se trouvent des syndicats d’enseignants mais aussi des parents d’élèves, inquiets des conséquences possibles d’une telle décision sur le quotidien des futurs écoliers marseillais.
« Il faudra sortir le chéquier »
« Les PPP peuvent poser un problème technique, estime Séverine Gil, présidente de MPE13, une association de parents d’élèves de l’enseignement public dans les Bouches-du-Rhône. Pour les PPP, il faut un cahier des charges bien défini en avance. Imaginons dès lors qu’on ait besoin de revenir sur la structure de l’école, en raison d’une modification d’ordre pédagogique ou d’une évolution des normes. On nous dira que ce n’est pas possible car ce n’était pas prévu, ou alors il faudra sortir le chéquier ! »
Autre point d’inquiétude : le nombre d’écoles concernées par ce plan de rénovation. En effet, le plan prévoit la destruction de 31 établissements obsolètes des années 1960, et leur remplacement par 28 nouvelles écoles, ainsi que la construction de 6 établissements supplémentaires, en six ans. Un effort insuffisant au regard des parents d’élèves selon qui les besoins sont criants dans la majorité des 446 écoles marseillaises, et qui déplorent l’absence d’un état des lieux des besoins de chacune.
« On n’a pas envie d’écoles Bouygues »
« Il y a eu différentes interpellations de parents d’élèves notamment sur l’état des locaux, il y a eu cette lettre qui a provoqué la polémique, rappelle Marie Batoux, présidente de l’association des parents d’élèves de l’école maternelle des Bergers, dans le 6e arrondissement de Marseille, et également élue Front de Gauche. Aujourd’hui, on a une vraie difficulté, qui va du chauffage à l’exposition à l’amiante. » Et de s’interroger : « Est-ce que les 34 écoles rénovées feront oublier tout le reste ? Est-ce que les rénovations dans les autres écoles se feront avec des bouts de chandelle, faute de moyens ? »
Professeurs et parents d’élèves craignent enfin de ne plus avoir la maîtrise de ce qu’ils appellent « leurs » écoles. « On sait que dans ce type de PPP, il n’y a pas que la construction des écoles, il y a aussi leur gestion, avance Claire Billès, secrétaire départementale du SNUipp-FSU dans les Bouches-du-Rhône. Or, nos écoles publiques vont-elles être gérées par des groupes privés, jusqu’à l’entretien ? On est pour une école publique, et l’indépendance des écoles ! On n’a pas envie d’écoles Bouygues ! Le PPP va être mené certainement par des grands groupes, car ce sont de grands chantiers. Ces grands groupes vont poser leurs conditions. Ce PPP reflète le désengagement de la mairie de Marseille pour ses écoles, alors que c’est la première compétence de cette collectivité. »
« Dans mon école, il y a une fuite aux toilettes, des portemanteaux cassés, un chauffage qui ne fonctionne plus, poursuit Séverine Gil. Jusqu’ici, pour y remédier, on appelait Allô Mairie. On est en droit de demander des comptes, parce qu’on est des électeurs et des contribuables, on paie des impôts pour ça. Mais est-ce que je vais demander des comptes à Bouygues ? Bouygues ne me doit rien. Je vais faire pression sur Bouygues ? On a déjà du mal à faire pression sur Gaudin… Je paie des impôts à Gaudin, à Bouygues, je ne paie rien. » Contactée, la mairie de Marseille n’a pour l’heure pas donné suite à nos sollicitations.